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Écho chrétien au cœur du chaos haïtien

© Youtube
Alors qu’Américains et Européens évacuent leurs ambassades en Haïti, des chrétiens appellent à la prière. Témoignage.
Maude Burkhalter

«Si le premier Ministre Ariel Henry ne démissionne pas, si la communauté internationale continue de le soutenir, nous allons tout droit vers une guerre civile qui conduira à un génocide.» Ces mots, prononcés par le chef de gang Jimmy Chérizier, surnommé «Barbecue», lors d’une conférence de presse le mardi 5 mars, ont fait le tour du monde. Haïti est plongé dans le chaos depuis la prise de contrôle armée par plusieurs gangs, en réaction au gouvernement de facto en place depuis l’assassinat de son président Jovenel Moïse le 7 juillet 2021.

En quelques jours, les chefs de plusieurs gangs ont libéré des milliers de prisonniers et sèment la terreur dans de nombreuses régions, contrôlant notamment la capitale, Port-au-Prince. L’état d’urgence a été déclaré pour une durée d’un mois, alors que le système de santé est au bord de l’écroulement.

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Des portes ouvertes

«On doit se rendre à la capitale pour s’approvisionner mais tout est bloqué. Personne ne circule.» Peterson Benjamin est pasteur baptiste et professeur de théologie aux Cayes, une municipalité au sud de l’île. Il appelle les chrétiens à se mobiliser dans la prière: «Il y a un très grand sentiment d’insécurité à travers le pays. De nombreuses familles fuient la capitale après s’être fait dérober tous leurs biens.» Le manque de ressources, un accès bloqué aux soins et une économie complètement interrompue affectent grandement la population. «Ici aux Cayes, nous sommes un peu retirés. C’est pourquoi nous sommes en mesure d’accueillir les familles qui fuient la capitale.» L’un des amis pasteurs de Peterson Benjamin à Port-au-Prince s’est vu refuser l’accès à son Eglise et s’est donc trouvé dans l’impossibilité de célébrer le culte.

Un combat spirituel

Si la situation est d’abord politique, l’arrière-plan est également idéologique. Et les chrétiens en ressentent les conséquences directes: «Il y a un combat contre l’Eglise», analyse Peterson Benjamin. «Beaucoup attaquent directement l’Eglise parce que celle-ci était passive face à la situation politique et de nombreux pasteurs préfèrent prêcher la fin de ce monde déchu et l’arrivée de l’au-delà à leurs fidèles au lieu de s’impliquer concrètement dans la société. Les protestants et les catholiques sont très nombreux en Haïti, on rend donc l’Eglise en partie responsable. Puis de l’autre côté, il y a les partisans du vaudou, pour qui le problème est la présence des chrétiens en Haïti.»

Mais pour le pasteur, les accusations contre l’Eglise doivent être prises avec nuance. «Le protestantisme haïtien a plusieurs formes. Il y a un protestantisme qui s’intéresse réellement aux fondements bibliques alors que d’autres protestants misent davantage sur l’émotion et l’intuition et non pas la Bible. Certains “pasteurs” demandent à leurs fidèles de prier sans cesse, de jeûner et les empêchent parfois même d’aller travailler. Le degré de manipulation est élevé dans certaines communautés. Ceux qui sont de l’extérieur ne sauront pas voir la distinction. On est accusés à tort et à travers. En Haïti, n’importe qui peut fonder une Eglise et faire ce qu’il veut des fidèles», se désole-t-il.

Alors que la situation d’urgence menace la population, Peterson Benjamin appelle les chrétiens à prier pour leurs frères et sœurs haïtiens. «Merci de prier contre le découragement et pour la croissance spirituelle de l’Eglise.» Et de conclure avec espérance: «Dieu est maître des temps et des circonstances.»

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Avril 2024

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