Asbury: consécration, réseaux sociaux et panneaux de signalisation
Impossible de le rater, c’était sur tous les réseaux. Pour la neuvième fois depuis 1905, l’université privée américaine de Asbury (photo) située à Wilmore dans le Kentucky, aux Etats-Unis, a été le témoin d’un nouveau réveil dans le milieu étudiant. Et les témoignages affluent.
«Cela fait un an et demi que je fais face à des pensées suicidaires, je n’ai pu le dire à personne jusqu’à récemment», a déclaré un étudiant resté anonyme. «Hier était le premier jour où j’ai pu donner ces pensées à Dieu et savoir que je ne suis pas assez fort pour y faire face, alors je consacre à nouveau ma vie à Dieu et au lieu de marcher seul sur le chemin, je vais marcher avec Dieu.»
Isaiah Friedema est étudiant de cycle supérieur à Asbury, il témoigne: «Le réveil a aidé de nombreuses personnes à réaliser l’espoir trouvé en suivant le Christ. Cet amour amène inévitablement les gens à réfléchir à ce que pourrait être pour eux une vie chrétienne.»
En direct sur les réseaux
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«Je suis dans l’auditorium Hughes depuis près de douze heures maintenant, sans avoir l’intention de partir de si tôt» confie dès le 8 février, jour du début de cette aventure, Alexandra Presta, dans un billet sur le blog des étudiants de l’université, depuis son ordinateur portable.
Voici, dans cette phrase, en quelques mots, réunis tous les éléments de ce qui a secoué la petite ville de Wilmore: des étudiants vivant une expérience spirituelle forte, au point de ne pas vouloir être ailleurs et, dernier élément et non des moindres: un moyen de communication vers l’extérieur. C’est à première vue la seule différence avec les autres événements de même nature s’étant déroulés dans l’histoire de cette université.
Car comme par le passé, les ingrédients principaux sont les mêmes: des jeunes qui se repentent, qui confessent leur péché, qui prient, louent et adorent spontanément. Mais aujourd’hui tout est différent, les réseaux sociaux changent tout. Ce qui a commencé avec une petite poignée d’élèves se retrouve rapidement devenir un rassemblement de plusieurs milliers de personnes venant des quatre coins des Etats-Unis et du monde entier.
TikTok, Instagram, Facebook, Twitter… Aucun média social n’est oublié; des photos accompagnées de textes racontant ce qui se passe, des extraits vidéos de chants, de prières, de sanglots, des liens vers des vidéos diffusées en direct s’échangent un peu partout. Des millions de vues, de likes, de commentaires, certains enjoués, d’autres méfiants. Et le mouvement se diffuse et se répand. Né dans une université méthodiste, celui-ci ne semble pas respecter les frontières confessionnelles et se propage à l’université Lee de Cleveland dans le Tennessee, aux racines pentecôtistes, comme aux universités baptistes de Samford en Alabama ou de Cedarville en Ohio. Ainsi, Thomas White, président de l’Université de Cedarville, partageait sur son profil Facebook: «Ce soir, un grand nombre d’étudiants se sont réunis à nouveau pour prier, lire les Ecritures, donner des témoignages et adorer Jésus. Nous avons eu deux autres étudiants sauvés ce soir. Demain soir, nous envoyons nos étudiants dans d’autres universités pour partager l’Evangile.»
Comment gérer l’ingérable?
Pendant ce temps, la petite ville de Wilmore, 6000 habitants, essaie de survivre à l’assaut des milliers de personnes qui affluent chaque jour vers l’université d’Asbury, jusqu’à 20 000 visiteurs estimés sur le seul week-end des 18 et 19 février. Sur le bord de la route, un panneau lumineux de la ville prévient les automobilistes: «Revival over capacity» (le réveil est en surcapacité). La police est stationnée autour du campus pour des raisons de sécurité, et des entrées spécifiques sont désignées «étudiants uniquement» ou «visiteurs uniquement», avec des agents postés pour faire respecter ces règles.
«Ce qui me désole un peu» a réagi le pasteur Florent Varak sur la chaîne YouTube «Tout Pour Sa Gloire» «c’est que, quand un réveil a lieu, les gens se précipitent pour voir et soudainement ça devient un spectacle. Il y a des Eglises qui pensent que c’est là où il se passe des événements qu’il faut se trouver, un peu comme avant, quand on faisait un pèlerinage à Jérusalem.» «La foule est devenue trop importante» souligne Kevin Brown, président de l’Université. «Les étudiants ont non seulement dû jongler avec divers engagements sur le campus, mais aussi avec la foule. Pour certains, cela a créé un sentiment d’instabilité et même de dépossession de leur campus.» Ainsi, après une quinzaine de jours, l’université a décidé d’annoncer la fin de l’ouverture au public de l’auditorium où se déroulent les cultes des étudiants. «Nous savons que ce n’est pas une conclusion pour les cœurs affamés qui sont agités et qui répondent en recherchant Jésus-Christ», tenait à préciser Kevin Brown, également titulaire d’un doctorat en théologie et en études religieuses.
Et maintenant?
Sur sa page Facebook, le polémiste Nicolas Di Volpi, qui a chroniqué chaque jour l’actualité du réveil d’Asbury, se questionne ainsi sur la suite à donner à tout cela: «En 1970, (lors du dernier grand “réveil”, ndlr) l’effusion de l’Esprit donna lieu à l’envoi de 2000 jeunes à travers l’Amérique du Nord et au-delà. Combien de jeunes “réveillés” seront envoyés cette année, et où iront-ils, afin que nous goûtions les fruits de ce réveil d’humilité, de brisement et de sainteté?» «Quand la poussière sera retombée et que l’auditorium principal où se déroule les rencontres sera vide, que restera-t-il», se questionne également Anna Lowe, étudiante et journaliste du bulletin de l’université. Feu de paille ou véritable embrasement des cœurs?
Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Avril 2023 – Supplément Vacances chrétiennes 2023
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