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Appelés à protéger notre biodiversité

© A Rocha - Getty Images
En Suisse, le Parlement continue de refuser d’entrer en matière sur l’initiative populaire Biodiversité. Entretien avec Ursula Peutot (photo en médaillon), directrice de l’ONG A Rocha Suisse, qui soutient cette initiative. En partenariat avec StopPauvreté.

Qu’est-ce que la biodiversité et à quoi sert-elle?

La biodiversité englobe la variété des environnements naturels, des espèces végétales et animales et de la diversité génétique, tout en incluant les interactions entre ces trois niveaux. La biodiversité ne constitue pas seulement notre héritage naturel, mais elle est le fondement de notre prospérité et une garantie de sécurité. Il est reconnu qu’elle est essentielle à notre alimentation (grâce à la pollinisation, par exemple), à la régulation du climat, à la purification de l’eau et de l’air, ou encore à notre bonne santé et à l’économie.

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On parle de crise de la biodiversité comme on parlerait de crise économique, pourquoi?

Les chiffres sont alarmants depuis longtemps. Nous parlons d’un déclin de 68% des populations de mammifères, d’amphibiens, d’oiseaux, de poissons et de reptiles en 46 ans, selon le rapport «Planète Vivante 2020». Près de la moitié des milieux naturels sont menacés de disparition, selon les données de la Confédération helvétique. Or, notre vie sur Terre dépend de la bonne santé de la biodiversité. Les espèces ne peuvent pas continuer de disparaître sans que cela ait un impact sur la planète ou sur nous. Une biodiversité de plus en plus faible fragilise l’équilibre global. Dieu a créé la Terre avec un magnifique équilibre et des interdépendances très riches. En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas considérer la biodiversité comme uniquement instrumentale pour les services écosystémiques qu’elle fournit à l’humain. Ce monde et toutes ses créatures appartiennent à Dieu et lui rendent gloire par leur existence.

Quelles sont les causes de cette disparition?

Elles sont multiples: l’urbanisation, notre utilisation des sols, les pesticides, la pollution, le réchauffement climatique ou la surexploitation des ressources telles que les océans et les forêts. 7594 kilomètres carrés de milieux naturels riches en espèces (prairies sèches, zones alluviales, marais) ont disparu depuis le début du 20e siècle, ce qui correspond à environ un cinquième de la superficie totale de notre pays. La société dans son ensemble a besoin de reconsidérer sa façon de vivre.

La foi permet-elle cet autre regard?

Ma foi joue un très grand rôle dans mon engagement pour la biodiversité, car c’est grâce à une prise de conscience profonde de l’amour de Dieu pour toute sa Création que j’ai ce rapport à la nature. Avant, mon envie de prendre soin de l’environnement était orientée principalement vers les êtres humains et l’impact des crises environnementales sur les pauvres et sur la santé. Je me suis toujours sentie proche de Dieu dans la nature et depuis que je travaille pour A Rocha, Dieu m’a révélé l’importance qu’elle revêt à ses yeux. J’ai redécouvert des passages de la Bible qui me montrent un tout autre rapport entre Dieu et l’ensemble du vivant et me donnent une nouvelle espérance pour l’ensemble de la Création.

Quel impact la perte de biodiversité a-t-elle sur les êtres humains?

L’affaiblissement de la biodiversité se répercute sur toute la chaîne alimentaire. Prenons les abeilles, dont 45% en Suisse sont éteintes ou menacées. Leur disparition provoquerait la perte de la principale source de pollinisation des plantes à fleurs. Cette situation poserait un sérieux défi pour l’humanité, car notre alimentation ne serait plus assurée. Aujourd’hui, nous constatons un appauvrissement des terres et une planète moins capable de répondre aux crises qui l’assaillent. Nous avons besoin d’écosystèmes intacts pour notre nourriture, un air propre, une eau potable et des sols fertiles. Cette capacité de résilience que Dieu a tissée dans sa Création est fortement diminuée.

Qu’est-ce qui doit changer pour mieux protéger la biodiversité?

La prise de conscience existe, mais je ne pense pas que la majorité de la population soit consciente de l’ampleur du problème. Pour inverser la tendance, nous devons donner de l’espace aux milieux naturels afin d’encourager la biodiversité et réfléchir à notre manière de partager notre espace avec les autres espèces. La verdure en tant que telle ne suffit pas; une pelouse parfaitement tondue est peut-être verte, mais nous n’y trouvons pas de vie. Il y a du positif dans ce qui est déjà mis en place, mais les mesures prises aujourd’hui n’auront pas un effet immédiat, c’est pourquoi nous ne devons pas tarder.

L’initiative est-elle une bonne réponse à cette crise?

Je pense que ce qu’il faut retenir de cette initiative, c’est qu’il faut travailler sur la connexion entre les espèces et les milieux, et travailler dans les espaces urbanisés et naturels. En comparaison avec d’autres pays industrialisés, la Suisse présente le plus grand nombre d’espèces menacées et la plus faible proportion de surfaces protégées. Il y a un vrai besoin d’action politique et la mobilisation citoyenne est essentielle. Nous avons tous une capacité d’influence au travers de notre mode de vie; prendre des décisions positives pour l’environnement est à notre portée.

Propos recueillis par Joëlle Misson-Tille, chargée de communication pour StopPauvreté

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De quoi parle-t-on?

L’initiative populaire fédérale «Pour l’avenir de notre nature et de notre paysage» (biodiversité) veut une meilleure protection de la biodiversité en Suisse et exige plus de surface et de moyens pour la favoriser. Actuellement, le Parlement débat du contre-projet soumis par le Conseil fédéral, mais le Conseil des Etats continue de le refuser. Si le contre-projet n’aboutit pas, l’initiative sera soumise au peuple en 2024.

En partenariat avec StopPauvreté

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui Décembre 2023

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