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Sur les collines de Morésheth

Le jour se levait à peine. Des langues de brume traînaient sur les collines de Morésheth, enveloppant le paysage d’une lumière incertaine. Ce n’était pas la beauté étrange de ce matin d’automne qui attirait les villageois aux portes de leurs maisons, mais le bruit sourd, rythmique et terrifiant qui, bien…

Le jour se levait à peine. Des langues de brume traînaient sur les collines de Morésheth, enveloppant le paysage d’une lumière incertaine. Ce n’était pas la beauté étrange de ce matin d’automne qui attirait les villageois aux portes de leurs maisons, mais le bruit sourd, rythmique et terrifiant qui, bien avant l’aube, les avait tirés de leur sommeil. Ce ne fut tout d’abord qu’une rumeur lointaine, un grondement sourd et régulier qui s’enfla bientôt en un mugissement incessant, parcouru de cliquetis tranchants, de grincements déchirants, de cris gutturaux : le bruit d’une armée en marche.Depuis des heures maintenant, ce fleuve mouvant s’écoulait dans les collines, semant autour de lui stupeur, douleur et misère. Après les ors et les pourpres des troupes d’élite étaient venus les ocres foncés des fantassins. Maintenant, ce n’était plus qu’un troupeau humain, ivre de poussière, hébété, le dos cassé, les yeux secs de toutes larmes perdues, le corps nu et déjà décharné par le poids des chaînes et la honte de la défaite. Une armée de déportés s’en allait pour toujours loin des terres de la Promesse.
–CREDIT–
Michée ne put supporter plus longtemps pareille vision. Où s’arrêterait l’armée assyrienne ? Sennachérib parviendrait-il aux portes de Jérusalem ? Qui pourrait l’en empêcher? Pas la maigre garnison de Lakish. Que faisaient les prêtres ? La catastrophe était programmée.Mais rien de tout ce qui arrivait n’était le fruit du hasard ou du seul appétit de l’ogre assyrien. C’est ailleurs qu’il fallait chercher les coupables : dans les promesses non tenues, les engagements brisés avec cynisme, l’Alliance foulée au pied jusque dans les lieux les plus sacrés du pays. Les prêtres se dévergondaient sur les autels étrangers, les riches exploitaient les plus pauvres avec une obscénité qui n’avait d’égal que leur soif de richesse, le peuple recherchait
dans les Baals un secours qui n’aurait dû venir que de l’Éternel.Après la terreur et la rage, c’est un sentiment nouveau qui envahit le prophète. Un appel profond né au sein même de son âme. Michée reconnut la voix aimée et mystérieuse qui parfois résonnait au fond de lui. Peu à peu, les mots se formèrent, franchirent la barrière de ses lèvres pour s’élever en une question obsédante et douloureuse comme une prière, le cri d’un père à ses enfants : «Mon peuple, que t’ai-je fait ? En quoi t’ai-je fatigué ? Réponds-moi. T’ai-je lassé en te faisant sortir d’Égypte ?»

Pierre-Yves Zwahlen

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – Octobre 2008

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