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Le message de l’abbé

Lorsqu’il lança son appel au secours, sur les antennes de Radio Luxembourg, il y a cinquante ans, l’abbé inconnu ne pensait certainement pas qu’il était en train d’entrer dans l’Histoire. D’ailleurs, son cri diffusé en direct n’a pas été enregistré ce jour-là et il fallut attendre bien des années pour…
Hugues Not

Lorsqu’il lança son appel au secours, sur les antennes de Radio Luxembourg, il y a cinquante ans, l’abbé inconnu ne pensait certainement pas qu’il était en train d’entrer dans l’Histoire. D’ailleurs, son cri diffusé en direct n’a pas été enregistré ce jour-là et il fallut attendre bien des années pour que l’abbé, devenu alors incontournable, réenregistre son message pour la postérité.
Ce fut le cas, également, pour l’appel du 18 juin d’un certain général à Londres! C’est dire que l’Histoire s’invente, même si elle se prépare et s’anticipe.
Ce qui est remarquable, chez l’abbé Pierre, c’est qu’il a été témoin de son temps et qu’au lieu de le subir, ce mauvais temps, ce sale temps, il a décidé de devenir acteur dans le temps. Il est si commun de regarder le monde et de le critiquer; d’accuser les circonstances et les hommes; de juger la société et de garder les mains dans les poches, en attendant d’autres cieux. Le mérite de l’abbé a été de saisir l’Histoire assez pour entrer dedans. Son appel n’a pas été de dire «au secours, il faut faire», mais «au secours, aidez-moi!». Ainsi, il disait déjà être dans le combat, non dans la critique ou dans la fatalité.
–CREDIT–
Il était la bonté même, mais celui qui avait pitié pouvait ne plus en avoir pour ceux qui l’admiraient et qui restaient sans rien faire. Il le disait de sa voix hésitante, mais chaque mot devenait du plomb. Et chaque admirateur devrait réentendre ce propos: «C’est souvent leur façon inconsciente de se dérober à leur véritable devoir.»
La silhouette, le look, les accessoires de l’abbé ont été le prolongement de sa voix et de son audace. Mais l’ensemble imposait un prophète. Car l’homme de Dieu (tout de même, ne l’oublions pas, il n’était pas que rebelle!) avait compris cette parole de l’Évangile: «Soyez malins comme les gens du monde!». À la fois Jérémie, Jean-Baptiste et Paul, l’abbé Pierre habitait tous ces rôles et en jouait. Il en jouissait aussi un peu, car cabotin, il l’était. Ce qui parachevait d’ailleurs l’image et nourrissait la sympathie. Mais le capucin est demeuré fidèle à son Maître, lui qui a fait tant de disciples «humanitaires».
Or, il n’est pas impossible qu’après avoir soigneusement collecté tous les articles et tous les hommages qui lui furent consacrés dès l’annonce de son départ «en grandes vacances», l’abbé se soit redressé dans sa cape de missionnaire, s’appuyant sur sa canne de pèlerin, pour dire: «L’extraordinaire que vous voyez n’est jamais que l’action normale et simple réclamée à chaque chrétien qui doit aimer son prochain, donner un verre d’eau au plus petit et un vêtement au démuni. Je ne suis pas exemplaire mais j’atteste de ma foi en la vivant et en me mettant au service de mes prochains, au nom du Dieu qu’ainsi je sers!».
Et de fait, chaque chrétien, lisant le même Évangile que lui, devrait devenir un
Abbé Pierre.

Hugues Not

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – Mars 2007

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