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Chronique d’Hugues Not

Le blog, masque de théâtre
Hugues Not

Le blogueur rencontre des lecteurs tout aussi anonymes que lui, blogueurs eux-mêmes pour la plupart; et par le jeu des liens et de la toile se tissent d’étonnantes amitiés, de surprenantes complicités, d’impossibles regroupements. Liens et hyperliens tricotent ainsi des réseaux nouveaux et dynamiques, des tribus virtuelles mais effectives. Le blog est l’exemple même du paradoxe: on rend public un secret de famille, une douleur intime, une angoisse personnelle et on jette ainsi, anonymement, dans la vitrine mondiale ce qui ne se murmure pas dans son propre entourage.
Un observateur analyse: «Bien que la plupart des blogueurs hésitent à donner une définition claire de leurs intentions, la majorité des blogs s’utilise à des fins d’autoreprésentation et beaucoup se forment autour des affects et des idées propres à leurs auteurs. C’est pour cette raison que la presse et l’opinion populaire sont parfois amenées à fustiger l’égocentrisme des blogs.»
–CREDIT–
Certes! Mais le visiteur de blogs découvre aussi, avec une certaine frayeur, des désespérances et des appels lancés, dans des orthographes incertaines, par des personnes (beaucoup de jeunes) qui ne savent pas où dire leurs peines, leurs doutes, leurs combats secrets.
Le blog est un masque grec ancien: il cache le visage mais il sert de caisse de résonnance. Il est sans doute l’expression ultime d’un besoin d’exister et d’être compris; mais c’est tout de même dans l’anonymat que les choses se disent et se répondent?; comme si, dans une salle où l’on avait interdit la lumière, les personnes pouvaient enfin se raconter, s’interroger, se répondre, libérées du regard et du fait d’être reconnues! Alors oui, c’est un paradoxe de se faire connaître et de dévoiler son intimité tout en refusant d’être vu et repéré.
Or, pour «être», faut-il entrer dans sa chambre, fermer la porte et bloguer? Et là, dans le secret, la blogosphère te voit et t’entend?! Et pour devenir soi-même, faut-il quitter le réel pour le virtuel? Si c’est le cas, nous sommes vraiment en faillite d’amour et d’amitié.
Le grand mystère de notre temps, c’est de constater combien les gens crèvent dans leur silence imposé tandis que nous ne cessons de perfectionner nos outils de communication. Il faudra bien, un jour, réapprendre la rencontre authentique de l’autre; réapprendre l’humanité entre les hommes.
Hugues Not

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – Avril 2007

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