Skip to content

Russie: le Kremlin adopte une loi équivoque

Quelle liberté pour les évangéliques en Russie? Treizième volet de notre série sur les pays du monde.
Celia Evenson

Adoptée en juillet dernier, la loi limitant l’activité missionnaire en Russie a ravivé les souvenirs d’un temps où les chrétiens russes devaient vivre leur foi en cachette. Cette image correspond-elle à la réalité du mouvement évangélique russe d’aujourd’hui?

Une loi pas claire

Publicité

La nouvelle législation cherche à réprimer l’incitation à changer de groupe religieux. Les Eglises la prennent au sérieux. Un «webinaire» sur le sujet, proposé par le Centre juridique slave, a attiré 2500 participants en juillet. L’avocat Anatoli Pchelintsev déplore un texte de loi mal rédigé: «Les croyants auront du mal à déterminer ce qu’ils auront le droit de faire ou non.» Il craint que les forces de l’ordre ne l’interprètent de manière très large.
Pourtant, les responsables des principales Eglises ne cèdent pas à la panique. La loi «ne nous effraie pas particulièrement», explique Alexei Smirnov, président de l’Union des chrétiens évangéliques baptistes de Russie, première union d’Eglises du pays. Elle concerne les organisations religieuses et non les personnes. Partager sa foi reste protégé par la Constitution. Le baptiste rajoute: «Nous avons toujours connu des restrictions. La persécution ne nous fait que grandir.»
Quelques chrétiens, localement, ont pu écoper d’amendes, mais depuis la chute de l’URSS, ils ne sont plus emprisonnés pour leur foi. Le pouvoir a une attitude ambivalente envers les évangéliques. S’il cherche à favoriser les religions «traditionnelles» du pays, dont les évangéliques ne font pas partie, il a autorisé, voire parrainé plusieurs actions d’évangélisation.
Les baptistes ont obtenu une subvention des fonds présidentiels pour organiser, avec toutes les confessions chrétiennes du pays, les festivités du 140e anniversaire de la traduction de la Bible en russe, cette année. Prévue dans ce cadre, une distribution de Bibles à la sortie du métro a été interdite par la mairie de Moscou. Celle-ci a toutefois relayé sur son site un événement similaire dans un parc de la capitale. Globalement, les évangéliques russes n’ont jamais été aussi libres que depuis vingt-cinq ans.

Chacun pour soi

Cette liberté a engendré une grande diversité. Staline avait imposé aux évangéliques de tous bords de se regrouper au sein d’une seule organisation, celle des évangéliques baptistes. Alexei Smirnov se rappelle: «Il y avait une unité formelle, mais des positions très différentes. Dès la chute de l’URSS, chacun est parti de son côté.» Tandis que l’économie de marché dans sa version sauvage déferle sur le pays, l’offre religieuse se démultiplie. Les missionnaires étrangers affluent, le charismatisme débarque, bousculant des cultures d’Eglise un peu poussiéreuses. Depuis, les positions se sont stabilisées. Les Eglises coopèrent localement.
Leur défi principal provient moins de l’opposition du pouvoir que de l’indifférence d’une société sécularisée. Pour le président de l’Union des chrétiens évangéliques baptistes de Russie, «les Russes ne sont ni chrétiens ni athées. Ils ont une appartenance culturelle à l’orthodoxie, mais cela reste superficiel.» Le mouvement évangélique dans son ensemble constitue au maximum 1% d’une population de 143 millions, et quelque 7000 Eglises. Il veut pourtant accomplir sa vocation missionnaire dans l’Etat le plus vaste du monde, notamment en évangélisant les 90 peuples non atteints que compte la Russie ainsi que les russophones de l’étranger. Les évangéliques sont plus nombreux en Extrême-Orient, «là où les orthodoxes ne veulent pas aller». Alexei Smirnov conclut: «L’Evangile progresse là où il y a des gens pour le prêcher.»

Celia Evenson

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui septembre 2016

Thèmes liés:

Protégeons nos enfants!

Pour répondre aux violences auxquelles les enfants font face quotidiennement en France, les élus durcissent la loi. Un tour de vis qui n’est cependant pas une formule magique.

Publicité