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Nous sommes des dieux ratés (Chronique d’Hugues Not)

© Alliance Presse
La chronique mensuelle d'Hugues Not, qui jette un regard doux-amer sur le protestantisme et la société.
Hugues Not

Le Français passe en moyenne chaque jour 3h32 devant la télévision; le garçon de 15 ans environ deux heures et le retraité de 75 ans plus de quatre. Incroyable pour une population qui, globalement, a tendance à dire qu’elle ne trouve jamais rien de beau ou de bon à la télévision! Il est vrai que la petite lucarne est le loisir le plus facile et sans doute le plus abordable, à domicile qui plus est. Enfin, «petite» lucarne, on s’entend: l’écran est de plus en plus grand et la multiplication des chaînes fait oublier que la deuxième chaîne est née en 1963.
En visite chez moi, un ami bien peu féru de télévision s’est mis à zapper, télécommande en mains, pour voir ce qu’on lui servirait. La stupéfaction et le dégoût n’ont pas tardé à le saisir. Il a été scandalisé par la bêtise, la vulgarité, la laideur de ce qui était diffusé, alors que moi, je ne réagis parfois plus. En un temps record, il semblait écœuré. De quoi faire réfléchir. Sa réaction était-elle outrancière ou alors la télévision est-elle à ce point abjecte?
Objectivement, le petit écran montre une espèce de décomposition. Les actualités sont toujours aussi effrayantes avec les guerres et les révoltes, la haine, le mensonge et la corruption, etc. Les émissions de distraction deviennent médiocres, grossières, irrévérencieuses… Nous avons là une démonstration d’un monde sans règle, sans loi, sans Dieu si ne n’est celui du pouvoir et de l’argent.
Pourtant, tout le monde passe de plus en plus de temps devant pareils programmes. On peut tout y voir et on se laisse volontiers piéger. Nous cherchons l’information jusqu’au gavage et, devenus voyeurs de la détresse du monde et des hommes, jusque dans les détails les plus sordides, nous avons le sentiment d’être bien informés, bien documentés, quasi omniscients de tout dans l’omniprésence du direct. Cependant, nous sommes aussi écrasés et accablés, parfois culpabilisés, parce que, depuis notre salon confortable et devant cette fenêtre sur le monde, nous ne pouvons rien faire. Il nous manque la toute puissance, l’omnipotence. Comme le dit un ami philosophe: «L’individu moderne, relié médiatiquement au monde entier, est un dieu raté: il sait tout sans rien pouvoir.»
Par contre, être témoin de tant de drames sans intervenir, c’est s’en rendre complice, ou pour le moins, être coupable de non-assistance à personnes en danger. Pire encore: pour éviter de se sentir trop concerné, le témoin s’enfonce dans l’indifférence télécommandant la distance.
Mais cette indifférence, sans doute nécessaire voire salutaire, qui naît devant la télévision, alimente finalement l’indifférence jusque dans la rue, l’usine, l’école et en société. Le petit écran engendre des écrans qui nous séparent les uns des autres, comme si nous faisions semblant d’être en communion avec tout le monde. Même quand la télévision est éteinte. Et finalement, c’est l’humanité qui s’éteint.

Hugues Not

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Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – avril 2012

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