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Mesurer le mal qui a été fait et dont Christ a été victime

© iStockphoto
Parti pris. Dossier: Homosexualité et Eglises: le dialogue plus que jamais
Philippe Henchoz

Je suis un homme, bientôt quinquagénaire. Chrétien. Hétérosexuel. Marié et père. Depuis vingt ans, je suis pasteur, aujourd’hui en région genevoise. J’aime Dieu (plus que tout), son salut, son Eglise, son Royaume, sa Parole. Et j’aime mes prochains, tous mes prochains eux-mêmes cibles de son amour inconditionnel.
Depuis des années, Dieu a conduit les choses pour que je sois en contact étroit avec des personnes homosexuelles, pratiquantes ou non et leurs familles. Ce sont des visages et des trajectoires qui me sont chers. Ce sont parfois des chrétiens, des chrétiennes. Tous et toutes méritent notre attention. Si nous les laissons de côté, nous laissons de côté l’Evangile.
Au cours de ces années, j’ai constaté tant de souffrances dans les rapports de ces hommes et ces femmes si divers aux Eglises évangéliques, tant d’espérances déçues, tant d’histoires méprisées, tant de rejets là où ils espéraient trouver accueil, bienveillance, écoute.
Et j’ai été témoin de tant de paroles dures et de positions caricaturales qui, si souvent, excluent, tiennent à distance, jugent à l’excès les intentions comme les actes et finissent par repousser dans les marges. Ces attitudes heurtantes «donnent raison» à ceux et celles qui ne perçoivent chez nous aucune grâce, cette grâce de laquelle nous nous réclamons pourtant. Comme si tout le mal du monde reposait sur celles et ceux dont l’identité et/ou les pratiques sexuelles ne sont pas les nôtres, nous rebutent peut-être, mais ne les définissent pourtant pas de manière exclusive; nous faisons peser alors tout le jugement de Dieu, nous permettant par là-même de nous éviter de nous remettre en question sur ce qui nous concerne nous et qui ne blesse pas moins la sainteté de Dieu. Et nous trouverons toujours une paille dans l’œil de notre prochain qui nous évitera de voir la poutre qui pourtant infecte le nôtre.
Aujourd’hui, comme à d’autres occasions dans l’Histoire, je crois que nous devons nous remettre en question, personnellement et collectivement, non pour revoir nos convictions à la baisse, mais pour revoir nos intentions à la hausse.
Et demander pardon à ces hommes et à ces femmes que nous avons blessés. Et renoncer à emprunter les voies chaotiques parcourues mille fois pour découvrir des voies nouvelles qui diront et incarneront concrètement le bel Evangile éternel. Et retrouver le chemin d’un accueil inconditionnel qui restaure et responsabilise. Nous remettre en question sur ce qui nous conduit à être si catégoriques, si tranchants, par exemple nos grilles de lectures partiales. Et mesurer le mal qui a été fait et dont le Christ lui-même est victime. Leur demander pardon pour nos pensées, nos soupçons, nos mots et nos actions, nos slogans, les blessures que l’on a creusées à vif et qui nous rendent inaudibles et qui, plus gravement, étouffent l’Evangile.
Je sais que la route est aussi exigeante que nécessaire et finalement libératrice, car je l’ai vécue. Et au bout, il en va, je crois, de l’honneur de Dieu, de la grâce et du bien de notre prochain, quel qu’il soit.

Philippe Henchoz, Pasteur FREE à Meyrin

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Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui février 2020

Dossier: Ethique
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