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La démocratie malgache dans le creux de la vague

Le bras de fer entre deux hommes forts va laisser des traces
Joël Reymond

Madagascar vit l’une des périodes les plus difficiles de son histoire récente. À l’heure de boucler cette édition, le bras de fer se poursuit entre le président Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, le jeune (ex-)maire de la capitale encouragé par une partie de la classe politique «rangée» par le premier.
La reprise de contrôle par la présidence, mesurée dans un premier temps, surtout face aux manifestations populaires, s’est faite plus dure et déterminée. Lorsque les premières émeutes ont touché toutes les grandes villes, entre le 26 et le 28 janvier, faisant quelque 80 morts, le gouvernement a été critiqué pour son absence et son silence. Andry Rajoelina a tenté de traduire ce climat insurrectionnel en gains politiques. Mais sa prise de pouvoir auto-proclamée et son appel à la grève des fonctionnaires ont fait long feu. Son mouvement s’est radicalisé et essoufflé à la fois et il a été destitué. Et le 9 février, sa tentative désespérée d’investir le palais d’État à Ambohitsirohitra avec une foule de partisans s’est soldée dans le sang (28 morts).
Inhabituel dans une culture aussi pacifique.
Le meilleur pour
l’instant
Marc Ravalomanana est contesté. Il serait autoritaire et mêlerait ses propres affaires à l’exercice de son pouvoir. «J’en ai parlé avec des hommes d’affaires dignes de confiance et ces reproches ont du vrai», indique Dédé Rabénifara, président de la LLB pour l’Océan Indien, qui précise s’exprimer à titre personnel, «mais aucune autre personne ne semble sortir du lot pour nous convaincre d’être capable de faire mieux». Le président Ravalomanana est encore apprécié par la majorité et soutenu par les nations africaines. «Le régime a quand même beaucoup fait en un temps record, en matière de santé, d’éducation, d’infrastructure et d’agriculture», confie un autre responsable protestant, Mamy
Rakotoléhibé.
Pour Dédé Rabénifara, la jalousie politique a joué un rôle décisif dans les derniers événements. «Beaucoup parmi les opposants voient d’un mauvais œil le fait que Marc Ravalomanana puisse accueillir la réunion de l’Union Africaine en juillet. Nous sommes un pays en voie de développement et les intérêts personnels jouent encore un grand rôle en politique». Dédé Rabénifara pense que la crise actuelle va freiner le progrès vers la démocratie. «Et les politiques vont reprendre le dessus…»
Souci humanitaire
et d’image
Mais le premier souci des Malgaches reste leur quotidien. Le prix des matières premières flambe dès que ça va mal. «Cela va être difficile pour au moins trois mois. Actuellement, c’est la période des soudures, où les gens vivent sur leurs réserves en attendant la moisson, en mai. Et on craint toujours les cyclones». Il faudra aussi reconstruire. Dédé Rabénifara s’inquiète aussi du recul des investisseurs et du tourisme.
Quant aux Églises, elles ont surtout œuvré pour que les deux hommes forts s’assoient ensemble et négocient, ce qu’ils ont commencé finalement de faire, sous l’égide du Conseil des Églises chrétiennes de Madagascar (FFKM). Les chrétiens ont afflué en masse lors du culte d’intercession pour la Nation de la FFKM, le 31 janvier.
Même si nos interlocuteurs ne se prononcent pas sur la foi de Marc Ravalomanana (sa femme, en tous cas, est très engagée), ils lui savent gré de considérer les Églises comme un partenaire privilégié dans la construction du pays. Dédé Rabénifara se montre enthousiaste sur le plan religieux : jamais auparavant, la pratique n’a été aussi libre. «Il n’y a jamais eu autant de radios évangéliques, d’émissions religieuse sur quasiment toutes les stations de radio, autant de chansons évangéliques de la part de tous les artistes sans distinction». Il faut maintenant que les chrétiens prennent leurs responsabilités sociales.
joël reymond

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – Mars 2009

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