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L’Afrique mise à genoux par la spéculation

© Alliance Presse
La crise alimentaire touche de plein fouet les pays les plus démunis. Dans le concert de nouvelles alarmantes, certains parlent de chance pour l’Afrique
Christian Willi

Àquelques jours d’une importante réunion internationale à Rome, le monde entier s’inquiète de la grave crise alimentaire qui touche le Tiers-Monde : recul des stocks alimentaires, augmentation massive des prix des céréales (plus de 50% en quelques mois), passage de trois à deux repas par jour pour les populations les plus défavorisées ou même, selon les régions de deux à un seul.
Au premier rang des accusés, les biocarburants, plus rentables que l’agriculture alimentaire. À eux seuls, les États-Unis y ont consacré l’équivalent des cultures de blé de l’Argentine, du Brésil et du Mexique. La faute aux financiers qui ont délaissé l’immobilier et les titres pour spéculer sur les matières premières dont les céréales (+ 70% en un an à la bourse de Londres). La faute, enfin, à une «révolution verte» qui n’a pas eu lieu en Afrique comme elle s’est produite en Asie. En effet, pour Roger Zürcher d’Espoir pour ceux qui ont Faim (ESFA), «on attendait l’Afrique, mais ce sont les pays asiatiques qui ont le mieux réussi dans la révolution agricole.»
–CREDIT–
Une chance pour l’Afrique
Dans le concert des analyses alarmistes, Roger Zürcher plaide pour une révolution doublement verte en Afrique : «Cette crise est peut-être la meilleure chance pour son avenir». Au-delà de l’aide d’urgence rendue nécessaire, Roger Zürcher soutient le principe d’un investissement massif dans une agriculture de pointe et respectueuse de l’environnement : «Nous avons besoin d’un grand changement, au niveau des priorités dans la coopération au développement et les investissements. Il faut beaucoup plus soutenir la production agricole. L’agriculture a été le parent pauvre des politiques de développement de ces dernières années et cela doit impérativement changer.»
Le Suisse salue le fait que le développement agricole redevienne une priorité pour la Banque Mondiale. Cela montre que certains acteurs de la scène alimentaire mondiale sont en train de modifier leurs pratiques. «Mais ce sont tous les acteurs qui doivent mettre l’agriculture en tête de leurs priorités.»
L’enjeu est de taille, car en tenant compte du réchauffement climatique, il faudrait que l’Afrique multiplie par cinq sa production agricole d’ici à 2050. Le reste du globe ne devra atteindre un facteur «que» de 2,25%. Mission impossible ? Laurent Cretegny, spécialiste de la modélisation économique, en charge d’un programme à la Banque Mondiale à Washington, juge cette révolution verte impossible avec l’agriculture traditionnelle : «Elle le serait peut-être avec l’agriculture irriguée. Mais au prix de lourds investissements.»
Justement, Roger Zürcher est convaincu que cet investissement dans les techniques agricoles innovantes constitue la clé du changement : «En Congo RDC, le rendement moyen du manioc, principal aliment, est de huit tonnes par hectare. Des instituts de recherche avec lesquels ESFA collabore, comme l’INERA à Bukavu, ont des plants de manioc qui produisent quarante tonnes par hectare». ESFA multiplie ces boutures et les diffuse au sein d’associations locales. «Les rendements atteints seront un peu inférieurs qu’en station, mais ces nouvelles variétés, également résistantes aux maladies qui attaquent les variétés traditionnelles, changent la vie des agriculteurs». Roger Zürcher estime qu’il est également nécessaire de travailler sur la fertilité des sols, la gestion de l’eau, l’association des cultures et de lutter de manière non polluante contre les ravageurs des cultures.

Un changement des mentalités
Pour déjouer les mauvais pronostics qui pèsent sur l’Afrique, un changement des mentalités s’impose. En Afrique, l’agriculture doit regagner ses lettres de noblesse. Sa modernisation pourrait très largement y contribuer. En Occident, des décisions courageuses doivent être prises en matière de financement. «Les donateurs réagissent surtout à l’urgence», explique Jean-Daniel André, coordinateur de Stop Pauvreté en Suisse. «Pour les ONG, il est plus difficile de mobiliser des fonds pour des projets à long terme.»
Christian Willi

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Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – Juin 2008

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