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J’ai perdu mon premier amour. Est-ce grave, docteur?

«Premier amour ne s’oublie jamais», dit la chanson. Quand des chrétiens évoquent la perte du premier amour en lien avec leur foi, s’agit-il d’un passage à vide normal et temporaire ou au contraire d’une affection plus durable et profonde?
Joël Reymond

«Rappelle-toi comment c’était au début». La force. La nouveauté. La fraîcheur comme l’aube. La jeunesse. L’ardeur. La naïveté. Quand nous nous sommes rencontrés, observés à distance, approchés, apprivoisés. Quand tu avais toute la place dans mon cœur et que je ne pensais à rien d’autre. Quand on était amoureux. Mais est-il possible de recréer, artificiellement, les conditions qui nous ont vu nous avouer notre amour, nous téléphoner pour un rien, échanger nos premiers baisers? N’y a-t-il pas un mythe de l’amour éternel, fusionnel,
adolescent?
Je ne t’aime plus exactement comme au premier jour, mais je crois que je t’aime davantage; je suis peut-être plus lucide, moins sentimental; on a eu nos moments difficiles, mais jamais assez pour en avoir assez? la fidélité, la complicité, tout ce que nous avons traversé et bâti ensemble, cela est sans prix, non?
–CREDIT–
Notre amour a mûri. Nous nous regardions dans le blanc des yeux, maintenant, nous avons appris aussi à regarder ensemble dans la même direction, comme le dit St-Exupéry. Comment le premier amour peut-il être une obligation spirituelle, si dans le couple, il ne peut perdurer?
Mais mon amour, il suffit d’un week-end rien que nous deux, d’un souper aux chandelles, d’une promenade dans la tiédeur du soir, d’une escapade originale, sans portable, sans journaux, sans agenda, pour que reviennent les sentiments qui nous rendaient si légers, si apaisés, des sentiments enrichis encore par le chemin parcouru. Et que tes «réservoirs affectifs soient remplis» à nouveau, comme tu dis.

Fausse course
Prendre du temps pour sa famille et pour nourrir sa foi est devenu une lutte. Éliane Lack, vétéran de Jeunesse en Mission en Suisse diagnostique: «“Je n’ai pas le temps”, c’est ce que souvent le mari dit à sa femme, les parents à leurs enfants, à leurs vieux parents, les amis à leurs amis, etc. Serait-ce aussi ce que les chrétiens disent à leur Dieu? Les enfants dans l’Esprit à leur Père? L’épouse à son époux?»
Avec d’autres, Éliane Lack décrypte la tendance humaine suivante: il est parfois plus facile de savoir des choses sur Dieu, sa parole, ses commandements, son projet si vaste et profond pour l’humanité, que de se mettre en quête de lui; en quête du «Je suis», une personne avec tout ce qu’il y a d’impénétrable, de mystérieux, mais aussi de vivant, d’imprévisible et de rafraîchissant.
De nombreux chrétiens témoignent qu’ils ont dû passer par l’épuisement, le deuil, l’échec ou la dépression pour s’arrêter dans une course à la consécration et à la transformation de la société et se rendre compte qu’ils se vidaient de leur énergie sans donner à Dieu le temps de les renouveler. Leur travail pour Dieu avait pris la place de Dieu.
«Tout ce qui commence a une vertu qui ne se retrouve jamais plus», a dit Charles Péguy. Si Dieu est bien une personne d’abord en quête de relations, il est possible de s’émerveiller tout à nouveau de sa bonté, de son pardon, de sa miséricorde et de sa patience et de donner une cure de jouvence (pas de «jeunisme») à sa relation avec lui.
Joël Reymond

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Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – Mars 2007


Quand Dieu parle comme un époux

Les ruines d’Éphèse sont parmi les plus belles qu’on puisse visiter de l’époque romaine: le quartier aisé sur les hauteurs, flanqué entre deux collines, la grande rue pavée, bordée de colonnes, qui descend en pente douce face à la mer; la bibliothèque et sa magnifique devanture ornée ou encore le très grand théâtre, vingt-quatre mille places, celui-là même dans lequel Paul et ses compagnons ont été hués pendant deux heures par une foule débridée. On imagine la ville grouillant de monde et les chrétiens de la première génération qui ont vécu là, il y a deux mille ans. Avec ce sentiment mystérieux d’être reliés à eux par un fil invisible, par une attente commune. Dans lequel de ces tas de pierre se réunissaient-ils? Où était l’école de Tyrannus? Première de classe Voir Éphèse et relire la seconde lettre qui est adressée dans la Bible à sa communauté chrétienne: peut-être deux générations après la lettre de l’apôtre Paul passée à la postérité, l’Église la plus mûre du Nouveau Testament en reçoit une autre de Jean, l’Aigle de Patmos qui lui dit?: «Tu es toujours dans les premières de classe. Tu as même encore progressé depuis la dernière fois. Mais où est ton cœur??». Et cette formule qu’on dirait empruntée à la poésie amoureuse?: «Tu as perdu ton premier amour.» Les commentateurs ont noté que ce qui a amené là cette Église du premier siècle ne semble pas être une superstition ou un problème de mœurs, plutôt la tradition naissante, la routine, la vie facile et le confort matériel de cette opulente cité. À l’époque où écrit Jean, l’Église d’Ephèse est encore une communauté florissante. «La maladie du fonctionnement n’est pas encore apparente dans sa vie extérieure mais cela ne saurait tarder», écrit Paul Fuzier. Le port d’Éphèse s’est ensablé et la ville dut être abandonnée un siècle plus tard. Les vestiges impressionnants sont tout ce qui reste d’une grande vocation. Dans le texte de l’Apocalypse, Dieu a invité cette Église à se repentir et il lui a même indiqué un moyen?: le souvenir, pour raviver la flamme. Car Dieu lui-même se souvient?; à un moment où la relation avec le peuple qu’il s’est choisi s’est dégradée, que la lassitude et le ressentiment se sont installés?: «Je me souviens de toi, de la grâce de ta jeunesse, de l’amour de nos fiançailles», lui fait dire Jérémie le prophète. L’idéal du premier amour n’est peut-être pas qu’un leitmotiv évangélique ou féminin. (JR)

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