C’est en Anatolie que le christianisme a fait ses premiers pas hors de Terre Sainte et qu’il est parti à la conquête de l’Occident. Mais peut-on encore parler de Turquie chrétienne ? Ce périple ne s’apparente-t-il pas davantage à une «visite au cimetière» ? En 1914, à Constantinople, un habitant sur deux fréquentait une Église. Aujourd’hui, il reste moins de 120 000 chrétiens (0, 14 % de la population).
C’est lors de la Première Guerre mondiale que les sentiments nationalistes ont conduit aux massacres des Arméniens et des chrétiens orientaux. Du jour au lendemain, les non-musulmans sont devenus des étrangers en Turquie, un pays qu’ils avaient eux-mêmes façonné. Les chrétiens n’eurent souvent que le choix de l’exil, réel ou intérieur. La crispation actuelle de la France et de quelques autres pays européens à propos de l’entrée de la Turquie en Europe n’a fait que renforcer la tendance nationaliste.
Le livre de Sébastien de Courtois pose lui aussi la question de la liberté religieuse, de la constitution des identités nationales, du danger des nationalismes. Il revient sur le meurtre de Hrant Dink, journaliste arménien dont l’ambition était de restaurer le lien brisé, de défendre le vivre ensemble. Ce livre est une forme d’hommage rendu à ces chrétiens disparus et à ceux qui restent. Il présente un état des lieux et dresse un plaidoyer pour une autre manière de vivre ensemble, pour un dépassement de l’Histoire.
Mais ceci n’empêche pas Sébastien de Courtois d’aimer la Turquie et ses habitants. Son livre est essentiellement un récit de voyage passionné, un périple sur les traces de la Turquie chrétienne. Spécialiste du christianisme oriental, il nous fait voyager dans l’histoire à travers la géographie de ce pays enchanté et délicieux. Nous retrouvons les paysages et les collines où les apôtres ont prêché : Paul à Tarse, Pierre à Antioche, Philippe à Hiérapolis.
Le récit est léger comme la marche, l’écriture agréable. On se prend à rêver de paysages antiques, de rencontres inattendues, de découvertes archéologiques inédites. La culture historique et religieuse de l’auteur, sa connaissance du terrain rendent ce livre enrichissant intellectuellement et stimulant spirituellement. Le fait que l’auteur s’implique lui-même, se donne à connaître, nous invite à le suivre dans sa marche, range ce livre parmi les grands textes de la littérature de voyages.
Denis Guillaume
Périple en Turquie chrétienne, Sébastien de Courtois, Presses de la Renaissance

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – Mars 2009

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