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Frayeur matinale

Chaque mois, Pierre-Yves Zwahlen donne vie à un personnage biblique. Retrouvez lequel.

Le vent soufflait sur les collines du désert. Le ciel était bas, l’air automnal froid et étonnamment humide, chargé d’une tension palpable. Je jetai un dernier regard au campement qui m’environnait, à l’alignement rassurant des tentes, aux silhouettes furtives qui glissaient silencieusement dans la rare lumière de l’aube. En cette journée de grand sabbat, l’activité matinale très restreinte faisait entrer tout doucement nos tribus dans un nouveau jour.
Pour moi, l’aube avait sonné bien avant le lever du soleil. Je m’étais éveillé, alors qu’Orion était encore très haut dans le ciel, tendu, excité par l’attente, angoissé par le poids de ma mission. On avait beau me répéter que tout se passerait bien, je savais que je tenais entre mes mains ma propre vie et l’avenir de mon peuple, et cette perspective n’était pas pour me rassurer. L’ombre douloureuse de mes deux fils, morts au service de Dieu, planait sur moi, conférant à cette journée une lourdeur supplémentaire. J’embrassai une dernière fois mon épouse puis je m’avançai, d’un pas aussi assuré que possible vers la Tente du Seigneur.
Les gardes à l’entrée du parvis me saluèrent respectueusement en soulevant le rideau qui fermait l’entrée. A peine arrivé sur le parvis, je fus assailli par les prêtres qui, impatients, me pressèrent de questions: «Tu as bien dormi? Tu es prêt? Tu as répété le cérémonial? Tu veux qu’on le revoie ensemble? Tu es certain de ne rien avoir oublié? Tu as respecté le jeûne?»
Je lisais dans leurs questions l’angoisse secrète qui les tenaillait tous. Cette journée pouvait s’achever sur la plus belle des bénédictions, mais elle pouvait aussi déboucher sur une catastrophe dont nous ne nous relèverions jamais. Je les rassurai du mieux que je le pouvais. Oui, j’avais accompli les rites de purification sur ma personne. Oui, j’étais en état de pureté.
Dès que l’holocauste du matin fut offert, les servants s’approchèrent de moi pour me faire prendre le bain rituel avant que je ne revête les habits sacrés. Après avoir égorgé le taureau pour mon péché et pour celui de ma famille, je pris le sang et m’avançai vers la Tente de la rencontre. Dans le lieu saint, je remplis un brûle-parfums avec des charbons pris sur l’autel auxquels j’ajoutai deux poignées de parfum. Je tendis alors une main tremblante vers le rideau qui me séparait encore de la présence du Très-Haut. Je n’avais, pour me protéger de la colère de Dieu, que le sang d’un taureau, la fumée du parfum et ma foi d’Aaron, une foi chancelante en sa grâce toute puissante. En cette journée de Yom Kippour le Seigneur allait-il nous accorder son grand pardon?

Pierre-Yves Zwahlen

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Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – novembre 2012

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