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Coran pas brûlé: qui sort vainqueur du feuilleton?

© Polaris / Dukas
Le pasteur extrémiste américain Terry Jones a finalement renoncé à humilier le livre sacré des musulmans, évitant une nouvelle «affaire des caricatures». Plusieurs lectures de ce fait divers d'actualité sont possibles
Christian Willi

Le projet du pasteur baptiste américain Terry Jones de brûler le Coran le 11 septembre, qui coïncidait cette année avec la fin du ramadan, a suscité une levée de boucliers monstre. Médias, responsables politiques, religieux et militaires américains et jusqu’au Vatican, tous ont condamné cette initiative maladroite sur le plan diplomatique autant que religieux. L’Occident a réagi avant même une première manifestation de plusieurs milliers de musulmans le 4 septembre en Indonésie, les premières menaces des talibans le 8 septembre ou que des Afghans brûlent un drapeau américain.

Après avoir tenu en haleine le monde entier, Terry Jones a renoncé à la dernière minute, non sans avoir marchandé avec l’imam responsable du centre islamique projeté sur le site des Tours Jumelles. D’après le pasteur extrémiste, il aurait trouvé un deal avec son homologue, abandonnant son projet s’il faisait de même (accord rapidement démenti par l’imam). D’après l’avis majoritaire, c’est sous la pression que le pasteur baptiste a jeté l’éponge.

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Leaders chrétiens au secours de l’islam
Parmi les réactions du côté évangélique, le président de Portes Ouvertes aux Etats-Unis a dit que la démarche du pasteur baptiste «n’allait faire que conforter ce que croient de nombreux musulmans, à savoir, que les chrétiens les haïssent».

«Ce geste procède de la haine. Cela va lui faire de la pub, mais un tel homme ne sera jamais respecté. Il va discréditer les évangéliques et les chrétiens et les Américains. En banlieue, cela me met la honte. Cela m’afflige», nous a indiqué le pasteur Saïd Oujibou.

Le penseur Sami Aldeeb, Palestinien chrétien installé en Suisse, dans son blog, s’oppose lui aussi vigoureusement à la démarche: «Je suis opposé au fait de brûler le Coran ou tout autre livre. Au lieu de brûler les livres, il faut apprendre à les lire et à ne pas les suivre aveuglément. Brûler le Coran rend les gens encore plus aveugles.»

De son côté, Geoff Tunnicliffe, secrétaire général de l’Alliance Evangélique Internationale, a pris contact avec Terry Jones pour le dissuader.

Brûler une Bible, un pétard mouillé en comparaison
Ce fait divers d’actualité peut susciter une autre analyse que celle de l’intolérance religieuse de certains chrétiens évangéliques américains. Olivier Fleury, coordinateur de Jeunesse en Mission en Suisse romande, également opposé à l’initiative de Terry Jones, pense qu’elle est cependant révélatrice du mécanisme de peur qui caractérise l’islam.

C’est d’ailleurs cet élément qui a le plus motivé le pasteur Terry Jones. Aux médias, il a expliqué qu’il voulait faire passer un message: «L’islam et la charia ne sont pas les bienvenus aux Etats-Unis.»

Son projet révèle aussi la dissymétrie d’appréciation du traitement religieux. En 2008, en Erythrée communiste, 1500 Bibles ont été brûlées dans un centre d’entraînement militaire. En mai de la même année, l’adjoint au maire d’une commune du grand Tel Aviv a fait brûler un tas de Nouveau Testament en public. Dans l’Etat indien d’Orissa, les milices nationalistes hindouistes incendient églises et Bibles. En terre d’islam, les autorités détruisent les Bibles saisies sur des missionnaires ou des chrétiens locaux. Mais ces informations ne font pas les gros titres.

Déçu, Raymond Favre, de Portes Ouvertes Suisse, explique qu’en Occident, la persécution religieuse de chrétiens dans le monde rencontre au mieux l’indifférence, au pire la critique: «Nous entendons régulièrement des personnes, même des gens qui donnent de leur temps sur le terrain humanitaire, dire que les chrétiens l’ont bien cherché». En d’autres termes, qu’ils paient là pour leur prosélytisme.

La condamnation, un autre message aux musulmans
L’emballement médiatique autour de l’initiative de Terry Jones risquait de faire passer les musulmans pour des victimes le jour même de l’anniversaire du 11 septembre. Il en reste quelque chose même si le pasteur a renoncé. Cependant, l’indignation collective en Occident, en particulier parmi les chrétiens, a eu le mérite d’envoyer un autre message aux musulmans: celui du respect pour ceux qui ne croient pas comme eux. Une position qui pourrait bien conduire encore davantage de musulmans à s’interroger, voire à s’intéresser au christianisme.

Christian Willi

Christianisme Aujourd'hui

Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – octobre 2010

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