Angoisses d’un stratège
De Priscus, stratège de Philippes, au préfet Sextus Macrin Burrus.
Salut,
Il n’est pas dans mes habitudes d’encombrer les messagers impériaux de missives inutiles, mais je te laisse juge du cas qui m’intéresse.
La semaine dernière, des marchands influents de notre ville de Philippes sont venus me trouver pour me soumettre un problème particulièrement étonnant. Deux hommes, d’une secte juive, auraient eu un comportement litigieux avec une esclave d’un des marchands, privant celui-ci d’une source de gains substantielle. Les notables étaient très remontés contre les deux Juifs et demandaient une justice rapide et vigoureuse. J’ai cru bon, noble Sextus, de les faire battre de verges et de les enfermer pour la nuit, pensant qu’un temps de réflexion dans les geôles de l’Empereur ne leur ferait pas de mal.
Comme le veut la coutume, dès l’aube j’ai envoyé les licteurs à la prison pour faire libérer les prisonniers. Mais ceux-ci refusèrent de s’en aller. D’après les nouvelles que j’en ai eu, ils auraient mené grand train durant toute la nuit, chantant à tue-tête au point d’en ébranler les murs de la prison. Mais le plus préoccupant, c’est qu’ils se déclarèrent soudain citoyens romains, exigeant des excuses publiques pour l’outrage qui leur avait été fait.
Tu imagines mon embarras à cette nouvelle. Faire fouetter des citoyens et les incarcérer sans jugement est pour le moins répréhensible. Mais je tiens à t’assurer de ma parfaite bonne foi dans cette affaire. Si j’avais su quel était leur état, je ne les aurais jamais rudoyés. Je m’interroge cependant sur les intentions secrètes de ces deux citoyens qui se laissent flageller sans rien dire pour mieux nous attaquer ensuite. Je tenais, cher Sextus, à te prévenir pour le cas où ces deux hommes viendraient à se rendre dans ta ville de Thessalonique. Porte-toi bien. Priscus.
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Article tiré du numéro Christianisme Aujourd’hui – février 2013
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